A une époque où il est de bon ton de dénigrer la politique, ce billet va rendre hommage à des auteurs de fiction, polar ou roman post-apocalyptique, qui à travers leurs personnages osent indirectement parler de politique. Au fil de mes lectures, j’alimenterai cette rubrique un peu décalée et originale.
Pour cette première, je rendrais hommage à deux auteurs à travers 2 romans :
Malevil roman post apocalyptique de Robert Merle (1972)
En parcourant ce livre, je suis tombé sur un passage réellement savoureux, qui derrière la description d’un personnage ambitieux nommé Monsieur Paulat, préfigurait de manière étonnante l’apparition du Macronisme ! Je vous laisse juge de la pertinence de cet extrait écrit en 1972 :
« Malgré ses attaches partisanes, il ferait un bon maire Meyssonnier. Dévoué, désintéressé, dénué de toute vanité personnelle et pas la moitié aussi intolérant qu’il paraissait l’être. Avec lui nous installerions l’eau à Malejac, l’électricité au coin des rues, un terrain de football pour les jeunes, et une station de pompage dans les Rhunes pour permettre aux cultivateurs d’arroser tabac et maïs. Momentanément du moins, Monsieur Paulat troublait ses plans. Il avait une conception urbaine de la politique et poursuivait en secret un rêve centriste. Avoir un pied dans chaque camp et se faire élire par la gauche pour gouverner avec la droite. Mais à Malejac, nous n’étions pas si pervertis. «
Toute ressemblance avec un président actuel ne serait que pure coïncidence ! Robert Merle avait donc vu venir Macron avant tout le monde ! Ou plus vraisemblablement la posture de Macron que l’on présentait comme moderne était vieille comme le monde… En tout cas, ce roman post-apocalyptique préfigurait en même temps l’apocalypse sociale Macroniste. Visionnaire !
Robert MERLE (1908-2004) ancien prisonnier de guerre, prix Goncourt en 1949 pour son roman Week-end à Zuydcoote, engagé et membre du Parti Communiste jusqu’en 1977, considéré en son temps par le Journal Le Monde comme le plus grand romancier de littérature populaire en France. Malevil, qui raconte l’histoire de survivants à une guerre nucléaire est original à bien des égards. Déjà il n’y a pas d’adversaire désigné, on ne saura jamais avec qui on est en guerre ni le contexte du conflit. L’histoire se situe dans une zone rurale et se recentre sur un groupe de survivants ayant échappé par miracle à la déflagration, protégés par une vieille forteresse construite à même la roche. On y retrouve des personnages attachants dans une société dérégulée ou chaque autre survivant est un danger potentiel. Dans la première partie du livre, avant la bombe, Robert Merle décrit la vie dans un village rural, avec parfois un focus sur les clivages et comportements politiques au niveau communal. On est loin de la France sans étiquette des élections municipales de 2020 !
2/ La jeune femme et l’ogre de John CONNOLLY (2018 version française en 2022)
En parcourant ce polar noir âpre et étrange comme l’ensemble de la série impliquant le tourmenté détective Charlie Parker, je suis tombé sur 2 extraits sulfureux. Le premier s’en prend au nationalisme à travers un échange féroce :
« – J’ai peut-être raté quelque chose, mais depuis quand brandir un drapeau sudiste en plein centre de Portland relève du patriotisme ? -M’en parlez pas. Si je pouvais mettre quelque chose hors la loi, outre tout ce qui vous vient à l’esprit, ce serait ce putain de patriotisme aveugle. C’est du nationalisme déguisé. Vous savez qui était patriote ? Les nazis. Et ces connards de Japs qui ont bombardé Pearl Harbor. Et les Serbes qui ont enterré des hommes et des gamins pas loin de Srebrenica avant de revenir violer les femmes, du moins jusqu’à que quelqu’un vienne les bombarder pour les calmer. Auschwitz a été construit par des patriotes. Quand on commence à croire à ces conneries de « mon pays a tort ou raison », ça finit toujours pareil : avec une fosse pleine d’os ! »
Je terminerai avec un échange court et caustique par rapport au fameux ruissellement cher aux libéraux :
« -Tu savais que les Fulci projetaient d’ouvrir leur propre établissement ? -Je pensais que ça n’était qu’une légende, comme la théorie du ruissellement.»
Tout est dit, grâce à John Connolly on sait donc maintenant que notre président croit aux légendes !
John Connolly est un écrivain Irlandais né en 1968 à Dublin. Ancien journaliste à l’Irish Times, il est surtout connu pour sa série de polars fantastiques impliquant le détective Charlie Parker et se déroulant généralement dans le Maine dans le nord-est des Etats Unis. La jeune femme et l’ogre est un polar étrange et glaçant, d’une grande originalité écrit dans un style riche et brillant. Un univers unique dont je suis totalement accroc. Je conseillerai de lire les romans de cette série dans l’ordre chronologique.