J’avais écrit il y a quelques semaines que l’espoir venait du Chili pour la gauche mondiale et ces élections présidentielles ont montré que la jeunesse française était capable de réagir et de se soulever contre les deux candidats antirépublicains que sont Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mais les jeunes avaient déjà réagi pendant ce quinquennat, les étudiants s’étaient massivement mobilisés contre Parcours Sup en 2018 ne récoltant que violences policières et silence radio des médias. Souvenons-nous de l’immense scandale de l’université de Montpellier ou le doyen de la faculté de droit organisera un guet-apens à des étudiants en laissant rentrer une horde de casseurs d’extrême droite pour tabasser des manifestants pacifiques qui occupaient la faculté. Silence radio des médias traditionnels pendant plusieurs jours avant, devant l’ampleur du scandale résonnant dans les réseaux sociaux, finir par en parler avec quelques entrefilets. Les jeunes ont appris que la république avait déserté les plateaux de télévision et ont appris à s’informer autrement. Les gilets jaunes feront la même expérience un an plus tard créant une défiance envers les médias traditionnels chez la plupart des actifs. Seuls les plus de 65 ans continuent majoritairement à n’avoir que la télévision comme source d’information et sans surprise ils ont voté massivement pour Emmanuel Macron.
La gauche raillée ou caricaturée, l’extrême droite normalisée
Pendant 5 ans, les médias nous ont préparé un second tour Le Pen Macron que le président appelait de ses vœux depuis son élection. Le pantin Zemmour, caricatural et violent, fabriqué par Bolloré avait pour but d’éliminer totalement la gauche du paysage politique et ça a bien failli réussir. Les sondages ont expliqué pendant des mois que la gauche était morte et n’avait aucune chance d’arriver au second tour démobilisant les électeurs et enfermant chaque parti de gauche dans une logique de boutique. Jusqu’à 48 h de l’élection les sondages donnaient Melenchon entre 5 et 8 points de Marine Le Pen et le soir du scrutin, combien d’électeurs ais je entendu dire « si j’avais su qu’on pouvait gagner… ». En ce qui me concerne après bien des hésitations, j’ai choisi de voter pour le seul programme de gauche en capacité de l’emporter, d’autant que l’avenir en commun est un programme qui sur le plan économique et social aurait été un ballon d’oxygène pour les classes populaires. Je n’ai donc aucun regret sur ce vote, à part bien sur celui qu’il ait manqué quelques voix à la gauche pour accéder au second tour. Mais je n’oublie pas que les médias traditionnels ont attaqué sans relâche la gauche pendant 5 ans, avec beaucoup d’agressivité la France Insoumise, et beaucoup d’ironie et de condescendance le reste de la gauche. Un jour, il faudra réfléchir à légiférer sur la concentration des médias pour que l’ensemble des télévisions n’appartiennent pas à quelques milliardaires, qui ne s’embêtent même plus à essayer d’influencer les partis politiques traditionnels (ca a pourtant été d’une grande efficacité au PS ces dernières années ou beaucoup sont sortis du champ de la gauche, notamment toute la sphère Hollande), ils fabriquent maintenant eux même leurs candidats, Macron en 2017 avec succès, Zemmour en 2022 avec moins de succès… quoique les excès de Zemmour aient pas mal contribué à « respectabiliser » Marine Le Pen.
Soir du premier tour : Macron et les médias découvrent que Marine Le Pen est d’extrême droite
Le discours démagogique au possible d’Emmanuel Macron le soir du scrutin m’aura donné la nausée. Faire applaudir la gauche et l’extrême gauche pour déclarer la patrie en danger face à l’extrême droite pourrait être crédible s’il n’avait pas manœuvré pendant 5 ans pour que l’on se retrouve dans cette situation. Il nous parle maintenant de front républicain, il manque juste une chose pour que ce front soit crédible : un candidat républicain. Macron et Le Pen sont dans une même logique de recherche du bouc émissaire. Les pauvres « oisifs »selon Macron, qui n’ont qu’à traverser la route pour travailler, on nous a même vendu ces derniers temps l’illusion d’un plein emploi pour culpabiliser les chômeurs mais avec plus de 5,5 millions de précaires inscrits à Pôle-Emploi toutes catégories confondues pour quelques centaines de milliers d’offres non pourvues dont en plus, seule une petite minorité concernent des emplois pérennes, on se fout vraiment de la gueule des gens. Le chômeur est donc le bouc-émissaire de Macron et il a déjà commencé à les sanctionner avec la nouvelle assurance chômage. Et il compte continuer en criminalisant les pauvres avec des travaux d’intérêt général pour les bénéficiaires du RSA. Les étrangers sont les boucs-émissaires du Rassemblement National. Une même logique donc entre ces deux candidats qui désignent juste des coupables différents. Quoique qu’avec sa loi « Asile et Immigration » qui a durci la législation envers les demandeurs d’asile, ou avec la suppression du RSA pour les étrangers prônée par le RN, les deux candidats puissent facilement se rejoindre. Comme ils se rejoignent facilement sur la question de la laïcité avec des rapports à la religion douteux, le RN flirtant avec les intégristes catholiques, Macron se désolant du lien abimé entre l’église et l’état, la séparation de ces deux entités étant pourtant à la base de la laïcité.
Le 24 avril, un choix entre 2 formes de déshonneur.
Il n’y a plus de candidat républicain, plus de candidat crédible pour défendre l’égalité et la fraternité. On a aussi pu voir avec une violence d’état inédite depuis 60 ans en France que la liberté de manifester avait été attaquée lors de ce quinquennat. Quant à l’extrême droite au pouvoir, dans notre histoire elle n’a jamais été garante de liberté et encore moins de fraternité. L’extrême droite a « socialisé » son discours mais on peut douter de sa sincérité car une politique sociale ne peut être financée que par une politique fiscale de redistribution des richesses. Or dans leur programme, le RN parle de baisse des impôts nous rappelant au passage que dans extrême droite, il y a droite…. Pour mener et financer une politique sociale, il faudra plus d’impôts et moins de taxes. Je suis scandalisé par tous ceux qui affirment que les pauvres ne payent pas d’impôts. Et la TVA ? Et la CSG, le RDS ? Et la taxe sur les produits pétroliers ? Sur le tabac ? Toute la population participe à l’effort national, et en proportion de leurs revenus, les pauvres souvent plus que les très riches. En ce qui me concerne, je ne voterai jamais pour l’extrême droite. Mais je suis très réservé sur le fait de voter pour un homme hors sol par rapport à nos valeurs républicaines, un apprenti sorcier qui a manœuvré 5 ans pour que l’on se retrouve dans cette situation de devoir choisir entre deux formes de déshonneur. C’est un choix très difficile qui se présentera à nous le 24 avril quand on est attaché à des valeurs républicaines et sociales. Chacun fera selon sa conscience.
Continuer le combat, rien n’est perdu !
On l’oublie un peu vite depuis l’alignement du calendrier électoral des présidentielles et des législatives, mais ce sont les élections législatives qui vont déterminer qui va gouverner. Quelle que soit la personnalité qui gagnera le scrutin le 24 avril, on peut encore éviter une de ces deux catastrophes : l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir ou la casse de notre patrimoine social avec un deuxième quinquennat Macron. Il faut que les jeunes qui ont failli sauver la république le 10 avril restent mobilisés, que la gauche s’unisse pour gagner la majorité au parlement. Car si les appareils n’ont pas su s’allier, les électeurs de gauche sont pour la plupart revenus à la maison. Le score de Jean Luc Melenchon est moins du au vote utile des électeurs des autres candidats de gauche qu’a un retour des électeurs de gauche ayant voté Macron qui sont revenus à la maison. Macron obtient un score conforme aux prévisions, tout en ayant siphonné près de 10 points à Valérie Pecresse. Il a donc été lui même siphonné par Jean Luc Melenchon à cause de ses annonces anti-sociales. Les électeurs de gauche se sont rassemblés, gardons cette dynamique ! Le véritable front républicain devra avoir lieu les 12 et 19 juin pour se débarrasser à la fois de Macron et de l’extrême droite ! Car n’oublions pas que le ou la président(e) élue le 24 avril n’aura aucun pouvoir sans majorité aux législatives. Et restons sourd à ceux qui parleront de nécessaire cohérence entre présidentielles et législatives. Il y a déjà eu des cohabitations dans la cinquième république et ça n’a jamais empêché le pays de fonctionner. La République n’est pas une monarchie, le pouvoir législatif doit reprendre toute sa place dans notre république. La jeunesse est dans notre camp, elle nous a redonné espoir le 10 avril ! On a maintenant le devoir de la garder mobilisée et de lui redonner espoir à notre tour. C’est une lourde responsabilité pour toute la gauche.