LE CALME ET LA JUSTICE

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La mort du jeune Nahel abattu par un policier hors de contrôle a mis le feu à notre société ces derniers jours. Mais on ne peut pas se contenter d’analyser ce déchaînement de violence sous l’angle unique de cette intolérable bavure policière. Nous étions quelques uns à craindre lors des dernières manifestations contre les retraites qu’il y ait des victimes tellement ce gouvernement avait la volonté de créer les conditions d’un affrontement pour imposer par la peur et par la force cette mesure de régression sociale. La police est instrumentalisée par ce pouvoir depuis plusieurs années pour l’aider à mettre au pas tout mouvement social d’envergure. Cette police est donc sur-sollicitée sans qu’on lui donne de moyens supplémentaires , on avait vu lors du mouvement des gilets jaunes des policiers fatigués, usés, encouragés par leur hiérarchie à pratiquer la violence avec des nassages systématiques, l’emploi de LBD inapproprié, des passages à tabac récurrents, des lycéens mis à genoux comme avant une exécution sommaire, un cocktail d’images insoutenables, avec le pire bilan de violences policières depuis plus de 50 ans.
Alors peux t’on dire que la police tue comme l’a soutenu Jean Luc Melenchon ? Déjà, c’est une faute politique inacceptable de la part d’un dirigeant ayant été candidat à la fonction suprême de jeter l’opprobre sur tout un service public. Il y a de réelles dérives dans la police mais celles ci sont la conséquence directe de décisions politiques. La police est une institution fondamentale dans notre république et n’est actuellement que ce qu’en a fait le pouvoir. C’est la faute du pouvoir politique si ce service public est sous-dôté, insuffisamment formé avec des effectifs bien trop faibles. C’est à cause de choix budgétaires désastreux que la police a perdu toute attractivité, à cause de salaires et de conditions de travail inacceptables, cette administration s’est vue obligée de baisser son exigence de recrutement ce qui a parfois permis l’embauche de policiers inaptes à cette fonction, violents, peu attachés aux valeurs républicaines, ayant surtout l’envie d’en découdre avec tous ceux ressemblant de près ou de loin à des étrangers. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy est responsable du démantèlement de la police de proximité, la seule qui obtenait des résultats dans les quartiers populaires pour la remplacer par une police d’affrontement finissant par ne même plus pouvoir y être présente. L’institution de la police n’est pas responsable de l’inconséquence des donneurs d’ordre qui, ces dernières années, ont choisi systématiquement l’emploi de la violence d’état pour faire face aux mouvements populaires. Ce contexte de tension extrême avec des conditions de travail déplorables est un terreau fertile pour une radicalisation de policiers désorientés et se sentant abandonnés par les pouvoirs publics. La droite se contente depuis de trop longues années d’un soutien de façade à cette institution, en couvrant les exactions de ses éléments les plus violents pour faire oublier qu’ils ont affaibli ce service public, comme bien d’autres. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle le drame de Nanterre a été possible, le sentiment d’impunité d’individus qui en oubliant le sens de leur mission, finissent par cesser d’être de véritables fonctionnaires de police, nous a mené et continuera à nous mener, si le pouvoir actuel ne laisse pas la justice faire son travail, vers d’autres tragédies.
Les violences qui ont suivi la mort de Nahel sont l’ illustration d’un contexte explosif : une population qui se sent méprisée par un pouvoir qui continue sa politique sociale injuste, qui gouverne contre l’écrasante majorité de la population et même contre le parlement et qui instrumentalise une police au bord de l’asphyxie pour écraser dans le sang toute révolte populaire.
En Allemagne il y a eu un mort en 10 ans pour refus d’obtempérer, en France on en est à 16 en 18 mois, c’est le catastrophique constat que l’on peut faire. Toute l’Europe constate cette dérive inquiétante, et la France est actuellement pour tout le monde l’exemple à ne pas suivre.
La colère populaire suite à la mort du jeune Nahel est aussi exacerbée par des médias aux ordres osant cracher sur son corps encore chaud en laissant filtrer des informations souvent fantaisistes pour sous-entendre qu’il l’avait bien cherché faisant ainsi fi de toute compassion et même de toute honorabilité.
Dans ce contexte, si on peut expliquer les violences de ces derniers jours, nous ne devons certainement pas les encourager. Car ce sont les quartiers populaires qui brûlent, des services publics déjà trop peu présents qui brûlent et on ne pourra pas compter sur ce pouvoir pour mettre des moyens pour reconstruire des quartiers qu’il a déjà décidé d’abandonner depuis longtemps. On a d’ailleurs pu compter lors de ces émeutes sur le soutien des forces de l’ordre, indispensables pour protéger les citoyens lors de ce déchainement de violence aveugle.
Lorsqu’on refuse d’appeler au calme au nom de la justice, on se trompe totalement car on rends service aux véritables coupables. Ce gouvernement d’abord, qui pourra ainsi en profiter pour accuser la gauche d’exploiter politiquement la mort de Nahel pour semer le désordre et faire ainsi oublier sa lourde responsabilité dans cette terrible tragédie. Car ce gouvernement a créé les conditions de ce chaos ; par son mépris et son entêtement, il a cultivé le terreau qui a fait que ce drame inacceptable se produise et maintenant il a beau jeu de se dédouaner des violences qui ont suivi.
Il faut aussi arrêter d’opposer le calme à la justice, il faut vouloir les deux ! Les situations insurrectionnelles n’amènent jamais la justice, qui dans cette affaire suit son cours, le policier a été mis en examen pour « homicide volontaire », il faut rester vigilants mais à ce stade, la justice fonctionne . Il faut espérer que l’IGPN ne fera pas obstruction à la vérité et ne cédera pas à un corporatisme mortifère. Les situations incontrôlables font par contre le jeu de l’extrême droite, on a vu dans certains quartiers des milices privées se monter et des groupes d’ultra droite proposer leurs « services » pour écraser dans le sang la rébellion.
Dans notre république, la police nationale doit rester au centre de notre politique de maintien de l’ordre, si on continue à la détruire, soit en la laissant crever comme le fait la droite avec tous les autres services publics depuis 20 ans, soit en la déconsidérant comme le font certains ces derniers jours, alors notre démocratie sera en grand danger et avec la logique ultra-libérale qui prévaut actuellement en France, l’ouverture à des milices privés dans le maintien de l’ordre sonnerait le glas de notre République et de notre démocratie.
Il en va du maintien de notre cohésion nationale de renforcer les services publics sur l’ensemble de notre territoire et bien entendu aussi de la police avec une véritable politique d »investissement afin d’augmenter de manière massive les moyens de cette institution, que ça soit sur le plan des effectifs, de la formation, des salaires pour relancer l’attractivité de ces métiers, ainsi qu’une amélioration du cadre de travail grâce à des infrastructures plus efficientes (bâtiments, véhicules, informatique).
Face aux discours hypocrites de la droite, la gauche devra agir ! Il faudrait vraiment autre chose qu’un saupoudrage budgétaire, il faudra un véritable plan Marshall pour nos services publics en général mais aussi pour la police afin de mettre ces fonctionnaires en situation favorable pour assurer leur mission de maintien de l’ordre, et en contrepartie, mettre en place un système de contrôle indépendant pour s’assurer de leur exemplarité. Le débat qui consiste à se demander si on est pour ou contre la police n’a aucun sens, la police est indispensable au bon fonctionnement de notre société, il faut seulement se poser la question sur les moyens qu’on doit donner aux policiers pour exercer leur mission dans de bonnes conditions. C’est une problématique qui mérite mieux que des réponses simplistes. Il faudra aussi un pouvoir politique responsable qui mette ce service public et d’autres au service des citoyens plutôt que de l’instrumentaliser au service de ses propres intérêts… Avec la Macronie au pouvoir, ça devrait rester un vœu pieux…


Daniel Large

Confronté, par mon métier dans le service public de l'emploi, aux conséquences de la crise économique et sociale, j'ai décidé de m'investir et militer pour défendre les victimes des politiques libérales.
Electeur de gauche depuis toujours, militant d'une union des gauches n'ayant pas renoncé à une véritable politique sociale. Des concessions oui, mais pas de compromissions.

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