Soyons clairs, la géopolitique n’est pas l’objet de ce blog, l’objectif ne sera pas de faire une analyse de la guerre en Ukraine. De toutes façons, comme lors de la crise du Covid, les médias regorgent déjà de spécialistes auto-proclamés, en médecine pendant la pandémie, en géopolitique depuis quelques jours. En ce qui me concerne, je ne prétends pas avoir des certitudes sur cette question. Seulement, comme chacun de nous, j’ai une sensibilité qui me fait réagir à cet évènement tragique. La rubrique « international » de ce blog sera toujours abordée sous l’angle particulier des impacts d’évènements internationaux sur notre politique intérieure et donc l’origine de ce billet va plutôt être axé sur les effets de la crise Ukrainienne sur la période très particulière de notre actualité politique qu’est l’élection présidentielle.
A l’occasion de cette guerre en Ukraine, les médias nous ont ressortis de la naphtaline certaines personnalités politiques, de droite ou de gauche que l’on n’avait pas vu depuis longtemps. J’ai été heureux d’en revoir certains pour leur expertise sur la question comme Dominique de Villepin ou Hubert Védrine, d’autres que j’ai été heureux de revoir pour leur talent comique (parce qu’il faut bien rire de tout) comme Bernard Henri Levy. La veulerie, l’arrivisme l’absence d’expertise de ce pantin médiatique avaient surtout manqué aux humoristes pour qui il est une source d’inspiration inépuisable.
Alors pourquoi choisir l’angle des présidentielles pour parler de la guerre en Ukraine ?
Première raison, parce que, comme je le montrerai plus loin, l’exploitation de cette crise pour l’élection présidentielle a déjà démarré. Deuxième raison : parce que cette élection présidentielle peut avoir des conséquences dramatiques sur la vie de millions de gens et que ce n’est donc pas une question futile, notamment pour les plus pauvres d’entre nous.
Macron sauveur du monde
Depuis le début de cette crise les chaines d’info nous vendent l’idée selon laquelle Macron serait un grand homme d’état occupé à sauver le monde et ceci jusqu’à la caricature, sans jamais avoir peur de se contredire.
Il y a d’abord eu : -Macron n’annonce pas sa candidature aux présidentielles parce que dans le contexte tendu de la crise ukrainienne, il préfère se sacrifier « pour la France ». Ceux qui font remarquer que rester dans un rôle de président qui lutte contre la pandémie puis pour la paix et qu’avoir à assumer son bilan le plus tard possible est un énorme avantage pour lui on leur réponds… rien, on préfère ne pas rompre cette belle unanimité en leur donnant la parole trop souvent. -Puis le dimanche 20/02, on annonce sur BFMTV que de source élyséenne, la guerre n’aura pas lieu, Macron a sauvé le monde ! -Ensuite lorsque la guerre démarre, on nous explique sur CNEWS que Macron n’y es pour rien, que c’est la faute à Biden qui a gâché la paix durement obtenue par notre héros national ! -Et enfin on nous explique ensuite que Macron a sauvé la finale de la Ligue des Champions qui se jouera donc à Paris ! Qu’il a dû trimer 48h avec le président de l’UEFA pour ça ! Ah bon, moi je pensais qu’il travaillait nuit et jour pour sauver la paix et que c’était pour cela qu’il ne pouvait pas annoncer sa candidature ? – Finalement, certains commencent même à s’interroger sur le fait que Macron soit en capacité de se représenter ! L’idée serait peut-être qu’il n’ait même pas à rentrer en campagne ! Réélisons le directement et n’en parlons plus ! Vous allez penser que j’exagère, que ceci est trop ridicule pour être vrai. Alors je vous invite à cliquer sur le lien suivant vers un article édifiant de Télérama. Cet article a eu sur moi un double effet : le premier aura été de me faire rire, parce que c’est tellement caricatural que ça en est drôle. Le second aura été de me faire pleurer sur le triste état de notre démocratie dans un tel environnement médiatique. Je pense que le pire est à venir, avec certains commentateurs qui remettront en question le fait de pouvoir critiquer le président dans une telle période en accusant ses détracteurs d’affaiblir la position de la France pour des intérêts partisans. Ca vous parait dingue ? Alors, j’espère sincèrement que vous aurez raison..
L’extrême droite gênée aux entournures
L’autocrate russe Poutine a toujours eu la sympathie de notre extrême droite, au même titre que son camarade de jeu Donald Trump qui a d’ailleurs officiellement cautionné le « génie » de la stratégie guerrière de Poutine. La Russie a aussi aidé financièrement le Rassemblement National. Bref il y a des liens idéologiques et financiers réels entre l’extrême droite française et la Russie. -Le coté anti-démocratique de Poutine ne posait pas de problème à Marine Le Pen qui affirmait même en 2011 « être admirative » de Poutine qu’elle continue aujourd’hui à trouver impressionnant et même à considérer que « tout le monde a une forme d’admiration pour Poutine ». Elle ne le voit pas comme un dictateur dans la mesure ou pour elle la Russie a « par culture un régime autoritaire ». Pour elle, c’est donc un président normal comme Hollande ! Sauf qu’en Russie, on aime l’autorité, alors qu’en France on aime le Flamby ! –Pour Zemmour, les choses sont encore plus claires, pour lui Poutine est « un patriote, le dernier résistant à l’ouragan politiquement correct qui, parti d’Amérique, détruit toutes les structures traditionnelles, famille, religion, patrie ». Pour lui, la guerre est un moyen normal de faire de la politique. Un moyen légitime de défendre ses intérêts de grande puissance.» Bref Eric Zemmour est un visionnaire qui avait tout vu avant tout le monde ! Et ben non, il est surpris ! Et il affirmera solennellement : « La guerre frappe une fois de plus le sol de notre continent. La nuit dernière, la Russie a frappé l’Ukraine. Je condamne sans réserve cet usage de la force. Retrouvons le contrôle de notre destin pour pouvoir contribuer au retour de la paix. » Eric Zemmour pêche soit par manque de mémoire soit par excès de modestie. Encore un émule de Hollande qui aspire à être un président normal !
A gauche, une unité de façade
Au départ, les réactions ont été unanimes à gauche, avec une condamnation de l’agression russe, des appels à manifestation et une solidarité affichée clairement à l’Ukraine. Puis la Macronie et certains médias ont commencé à parler d’ambigüité de certains candidats face à la Russie avec une volonté de mettre les deux candidats d’extrême droite et Melenchon dans le même sac. Valérie Pecresse se lancera dans cet exercice de manière peu surprenante car ça lui permettait de se payer en même temps ses 3 rivaux pour l’accession au second tour. A gauche, les verts vont voir cette situation comme une opportunité pour faire décoller leur campagne en ciblant Jean Luc Melenchon et sa présumée ambigüité envers Poutine. La droite et l’extrême droite peuvent dormir tranquille, après la guerre PC/Insoumis, les écologistes ouvrent un nouveau front à gauche, la machine à perdre est lancée ! Mais objectivement qu’est ce qui a permis de mettre en cause le leader de l’Union populaire sur ses rapports avec Poutine ? Je vous laisse en juger : -Jean Luc Melenchon est critique envers les Etats-Unis (comme par exemple Cnews qui considère que Biden a gâché le magnifique travail diplomatique de Macron), mais ça en fait pas un ami de Poutine pour autant. De plus, l’attitude des Etats-Unis dans cette crise donnerait plutôt raison à ceux qui pensent qu’il vaut mieux ne pas trop compter sur eux… -Il ne croyait pas à une intervention de la Russie jusqu’au dernier moment, comme BFMTV qui 48h avant affirmait encore grâce à des sources élyséennes que Macron avait sauvé la paix. -Il avait considéré la Russie comme un partenaire fiable quand elle était intervenue contre Daesh en Syrie mais là aussi, il me semble qu’à l’époque tout le monde avait approuvé cette intervention tellement l’avancée de Daesh était inquiétante. Néanmoins, on peut convenir que même si l’action de Poutine était utile, parler de partenaire fiable était excessif car on pouvait légitimement penser que cette intervention correspondait plus pour Poutine à la marque d’un soutien à Bachar Al Assad qu’à un combat pour la démocratie. Néanmoins, même si il y a des nuances entre les différentes visions de chaque partie, mettre la vision de l’extrême droite, béate d’admiration envers Poutine et celle de Jean Luc Melenchon dans le même sac relève de la plus pure malhonnêteté intellectuelle. Une avocate inattendue tout de même pour le leader insoumis, l’imprévisible Segolène Royal surprise elle aussi par ce traitement très particulier. On a aussi vu fleurir des tweets assassins sur le fait que la gauche radicale s’était abstenue sur le vote d’une aide de 1,2 milliard d’euros a l’Ukraine le 17 février dernier au Parlement Européen. A titre personnel, j’ai trouvé ce vote pertinent. En effet, il permettait de ne pas bloquer l’aide tout en protestant contre la mise sous tutelle financière de l’Ukraine par le FMI qui était conditionnelle à ce prêt. On aurait dû aider l’Ukraine sans leur imposer cette perte de souveraineté sur le plan économique. Malheureusement, il apparait que même en temps de guerre, imposer l’idéologie libérale à un pays en danger reste une priorité pour certains. Pour résumer à gauche, si tout le monde est unanime pour condamner la guerre en Ukraine, il semble y avoir encore beaucoup de partisans de la Guéguerre électorale !
Un sujet trop sérieux pour des arrière-pensées électorales
Quand on agit dans l’émotion ou dans le calcul électoral, on oubli à quel point la situation est complexe dans cette région et ceci depuis plusieurs années. Les certitudes affichées par beaucoup sont étonnantes face à cette situation compliquée et explosive. Chacun veut montrer qu’il a la stature d’un homme d’état et la manière la plus simple est de prôner la fermeté. Ainsi on a pu avoir le plaisir de voir le fossoyeur de la gauche François Hollande montrer ses muscles ou le soporifique Yannick JADOT jouer le va t’en guerre et sortant les crocs pour reprocher à tout le monde et même à notre héros de guerre (ou de paix je ne sais plus) Emmanuel Macron d’être complaisants avec Poutine qui doit maintenant trembler à l’idée que Jadot devienne président ! Au fond, la position de Bernie Sanders, sénateur américain, leader de l’aile gauche des démocrates est intéressante, car elle montre que la politique américaine dans cette région est loin de faire l’unanimité aux Etats-Unis. Tout en condamnant fermement l’agression russe, mais aussi la personnalité et le régime de Poutine, Bernie Sanders remets en question la volonté affichée par les Etats-Unis de faire rentrer l’Ukraine dans l’OTAN affirmant que quel soit son dirigeant, la Russie n’aurait jamais pu accepter cela. Et il pose la question qui fâche pour un américain : n’aurions nous eu rien à dire si le Mexique formait une alliance militaire avec un adversaire des Etats Unis ? La sagesse de Sanders jure avec la surenchère généralisée du microcosme politique français. La diplomatie n’est pas un jeu de postures, place à une véritable réflexion !