LE VRAI BILAN D’EMMANUEL MACRON

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Les 3 premières années de ce quinquennat ont vu apparaitre un rejet massif de la politique d’Emmanuel Macron avec de multiples manifestations et révoltes populaires et une cote de popularité au plus bas pour le président. On pouvait légitiment espérer que la plaisanterie n’allait pas durer puis patatras arrive le covid et tout change. Plus personne ne parle de politique ou du bilan d’Emmanuel Macron qui se drape miraculeusement dans la posture du sauveur de la Nation, protecteur des français dans la guerre contre la pandémie puis sauveur du monde libre suite aux événements en Ukraine. Ainsi depuis deux ans de mise sous cloche de notre démocratie, Emmanuel Macron n’est plus un candidat comme les autres et se retrouve dans un fauteuil pour être réélu. Etrange paradoxe que de voir le pire président de la 5eme République , celui qui a eu les pires résultats, que ce soit sur le plan économique, social, écologique, diplomatique, ou par rapport à sa stratégie face à la pandémie bénéficier de l’aura du protecteur de la France et ceci dans le cadre d’une crise morale inédite. Ce billet va donc faire un bilan factuel de l’action de Macron et du nouveau contexte politique qu’il a largement contribué à mettre en place

Un bilan calamiteux

Une vision idéologique et clientéliste de l’économie

A son arrivée en 2017, la France était dans un contexte idéal pour relancer la machine économique. Pour cela, il aurait fallu redonner les moyens à l’état d’impulser une relance grâce à une politique fiscale qui lui redonnerait des moyens ainsi qu’un relèvement des minimas sociaux doublés d’un renforcement du droit du travail qui donneraient aux classes populaires des moyens et une stabilité leur permettant de relancer la consommation et donc de donner plus de débouchés aux entreprises. Pour soutenir les entreprises, il était fondamental de dissocier les aides en soutenant l’activité des PME, celle qui crée de l’emploi et redistribue au détriment des revenus du capitalisme financier qui fait exactement l’inverse : de la prédation financière au détriment de ceux qui créent les richesses. Emmanuel Macron, en bon disciple de Friedmann, le père fondateur du néo-libéralisme, a fait exactement l’inverse, avec les résultats que cette approche clientéliste a eu partout dans le monde : explosion des revenus des grands oligarques et développement de la précarité et de la pauvreté. A partir de 2020, changement de braquet avec la volonté de se présenter comme le protecteur des français dans la dernière ligne droite avant les élections présidentielles avec notamment le « quoi qu’il en coute » pour soutenir l’économie pendant la pandémie. 1 ère remarque : tous les économistes libéraux nous avaient affirmé que ce type de politique était impossible par rapport à notre déficit public, cette période permet de constater qu’ils avaient péché soit par malhonnêteté intellectuelle soit par incompétence, soit les deux. Seconde remarque : ces aides n’ont pas été financées avec notamment un virage fiscal sur les revenus du capital par exemple. Au contraire, il n’y a même pas eu de dissociation selon la taille des entreprises. On a donc vu des oligarchies s’enrichir de manière indécente dans cette période….en partie grâce à de l’argent public. L’argent magique existe donc pour ceux qui en ont le moins besoin… Emmanuel Macron présentera la facture aux plus pauvres après les élections présidentielles. Il a déjà promis de nouvelles baisses d’impôts aux plus riches, il va donc continuer à dégrader les services publics, santé, justice, sécurité, social et à baisser les ressources des plus démunis. Macron, c’est Robin des Villes, il prend aux pauvres pour distribuer aux plus riches !

L’écologie sacrifiée sur l’autel du lobbying

Lors du sommet international pour le climat en décembre 2017, Emmanuel Macron allait faire une belle déclaration d’intention à propos du réchauffement et du changement climatique : « On est en train de perdre la bataille, on ne va pas assez vite, et c’est ça le drame. On doit tous bouger car on aura tous à en rendre compte » Cette déclaration était factuellement vraie sauf sur un point : Après 5 ans de quasi inaction sur cette thématique, personne ne demande des comptes à Emmanuel Macron. Sur l’écologie comme sur le reste Macron n’a aucun compte à rendre. Pourtant son bilan est terrible : la France fait partie des pays qui ont plus subventionné les énergies fossiles (plusieurs dizaines de milliards !) que les énergies renouvelables ! La France est d’ailleurs le seul des 27 pays européens à ne pas avoir respecté son objectif de développement des énergies renouvelables. Total continue à faire des bénéfices incroyables et actuellement on peut voir que cela a des conséquences sociales importantes avec la montée exponentielle du coût de l’énergie qui impacte surtout les revenus les plus modestes à qui on n’a pas donné les moyens d’orienter leur consommation vers des énergies vertes. Coté agricole, Emmanuel Macron avait promis une sortie du glyphosate qui n’a pas été tenue, là aussi le poids des lobbys aura été décisif. Le rapport de Greenpeace sur le bilan des 5 années Macron est accablant et totalement en décalage avec son discours de 2017. Ce rapport conclue : Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, la France a accumulé un retard considérable dans la lutte contre le changement climatique. « En raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler », estime le Haut Conseil pour le Climat, une institution pourtant mise en place par Emmanuel Macron lui-même. Comme souvent avec lui, les faits n’ont pas été à la hauteur de sa communication.

Un bilan social en trompe l’œil

On nous rabats les oreilles depuis cet été sur la croissance record de la France en 2021 et la baisse du chômage, certains osant même évoquer un retour au plein emploi alors qu’il y a encore plus de 3,3 millions de français au chômage total et plus de 5,6 millions de précaires inscrits à Pôle-Emploi toutes catégories confondues. Parlons de la fameuse croissance de 2021 : suite à une année 2020 ou on avait connu une récession de 8,3 % du PIB en France, nous avons connu une croissance de 7% qui ne correspond donc même pas à un rattrapage complet de l’année 2020. C’est d’ailleurs le cas de la plupart de nos voisins européens. Quant aux Etats-Unis, qui ont mis en place un plan de relance plus ambitieux, la croissance 2021 a été supérieure à la baisse de 2020. Lorsqu’on écoute les médias il semblerait que l’opulence soit de retour ! Ça n’est malheureusement pas vrai. Nous sommes juste dans un phénomène de rattrapage suite à la pandémie. Parlons maintenant du front de l’emploi, parce que c’est là qu’on entend les choses les plus étonnantes. Prenons le quinquennat dans son ensemble. Dans une grisaille permanente il y aura eu 2 embellies : la première, très légère en 2019 qui correspondait au moment où sous la pression des gilets jaunes, Emmanuel Macron anticipera la réévaluation du revenu d’activité. Puis en 2021 avec le « Quoi qu’il en coûte » doublé de mesures opportunistes électoralistes comme la relance du traitement social du chômage avec notamment une explosion du nombres de contrats aidés en 2021, d’autant plus étonnante que le gouvernement avait réduit drastiquement ces mêmes contrats en 2017 pour des raisons purement idéologiques. Amusant de constater que les seuls succès d’Emmanuel Macron en termes d’emploi correspondent aux moments où il s’est converti au keynésianisme, sous la pression de la rue en 2019, par électoralisme en 2021. Il faut aussi relativiser les résultats sur le front de l’emploi car on constate également une conséquence liée à la conjonction de 2 événements, l’intensification des contrôles de la recherche d’emploi ainsi que le fameux plan d’action en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée, c’est-à-dire souvent les plus découragés et démobilisés : une augmentation sensible du nombre de radiations qui montre que Macron s’attaque autant à la statistique du chômage qu’à la réalité du chômage. Après un premier trimestre à 36000 radiations et un second à 34200, le plan d’actions en faveur des demandeurs d’emploi était mis en place à la fin du troisième trimestre boostant ce chiffre à 43900. Le quatrième trimestre allait faire exploser le rythme des radiations avec près de 50000 en octobre et un chiffre record de 52000 pour le seul mois de novembre ! Record battu en janvier 2022 avec 56200 radiations administratives, le plus gros chiffre depuis 1996 ! Je conclurai aussi en parlant de la nouvelle assurance chômage qui commence à jeter de plus en plus de personnes dans la grande pauvreté ce qui offre un avantage : les personnes les plus pauvres deviennent souvent des « invisibles » qui ne s’inscrivent plus nulle part et disparaissent de toutes les statistiques. Emmanuel Macron lorgne sur le modèle anglais, faible indemnisation des demandeurs d’emploi, intense flicage pour une baisse artificielle du chômage. En Angleterre on annonce un faible taux de chômage avec pourtant une montée importante de la pauvreté. Lorsqu’un instrument de mesure du chômage fonctionne bien, le niveau de l’emploi est corrélé à celui de la pauvreté. Au Royaume Uni, ils ont cassé le thermomètre, et donc le chômage baisse alors que la pauvreté monte. Emmanuel Macron travaille à faire la même chose en France.

Une gestion improvisée de la pandémie

Cette pandémie aura dès le départ été gérée de manière inconséquente. Une prise en compte très tardive du danger de cette épidémie malgré une ministre de la santé, Agnés Buzyn déclarant après coup savoir depuis février que le tsunami était devant nous, c’est-à-dire à une époque ou elle affirmait exactement l’inverse dans le cadre de sa fonction de ministre de la Santé… Grave et affligeant… On a vu aussi une porte-parole du gouvernement, Sibeth N’Diaye affirmant que les masques ne servaient à rien, certainement pour désamorcer les critiques sur la mauvaise gestion des stocks de masques. On n’en parle plus maintenant, mais il faut se souvenir que dans le premier confinement, ce gouvernement ne considérait pas comme prioritaire de tester les personnes, le cafouillage a donc été généralisé. Si on veut juger la qualité de la prise en charge de cette pandémie sur des éléments factuels comme le nombre de morts au 23/02/22 pour 100000 habitants, on se rend compte que l’espèce d’autosatisfaction de notre gouvernement n’est pas justifiée. Nous sommes tout juste dans la moyenne, avec 220 morts/100000 habitants. Nous sommes mieux que des mauvais élèves régulièrement montrés du doigt comme les USA ( 312) ou le Brésil(340), légèrement mieux que les mauvais élèves européens comme le Royaume Uni (265), L’Espagne(244) ou l’Italie(264) mais moins bien que le Portugal(196), la Suisse(173), la Suède(189), l’Autriche(165) ou l’Irlande(157), beaucoup moins bien que l’Allemagne(148), le Canada(106), ou le Danemark(81), à des années-lumière de pays comme l’Australie(25), la Norvège(33) la Nouvelle-Zélande(1,5) ou les pays asiatiques comme la Corée du Sud(15) ou le Japon(18). Bref des résultats moyens qui ont renforcé la popularité d’Emmanuel Macron. Pourtant sa décision de poursuivre le plan d’austérité de l’hôpital public et de réduire le nombre de lits dans les hôpitaux, et ceci malgré la pandémie en cours est scandaleuse ! Cette pandémie a occulté tout débat politique, les seules questions étant de savoir si on était pour ou contre le masque, pour ou contre le vaccin, ces polémiques étant largement relayées par les médias. Ces derniers étant beaucoup moins prolixes avant la pandémie pour montrer et surtout commenter les images de soignants manifestant pour améliorer leur situation se faire tabasser dans la plus grande indifférence… juste avant qu’on les applaudisse avec beaucoup de démagogie lors du premier confinement. Notre président fait semblant de ne pas voir que les soignants n’ont pas besoin d’applaudissements mais de meilleurs salaires et conditions de travail. Avec Emmanuel Macron, le cynisme est en marche !

Une diplomatie « marketing

Dès le début de son quinquennat, ce dernier a été plus soucieux de son image en réalisant des « coups » de communication qu’en recherchant de l’efficacité. Le symbole le plus caricatural en est quand il a laissé filtrer l’information selon laquelle il aurait broyé la main de Donald Trump lors de la poignée de main de leur première rencontre ou lorsque 2 mois après son arrivée à l’Elysée, il lançait son fameux «« Make Our Planet Great Again » censé se moquer du slogan de Trump « Make America great again ». Si encore ce dernier avait donné du sens à ce slogan pour l’environnement en respectant les engagements de la France sur cette question, pourquoi pas ? Mais, maintenant, avec le recul, on voit bien que cela a surtout été révélateur du peu de valeur de sa parole sur les questions d’environnement. D’autre part, on a aussi pu constater que ses fanfaronnades ont eu des conséquences lorsqu’un an plus tard Trump lui fera payer la note lors de sa visite à Washington en 2018 qui s’avérera être un échec cuisant pour la diplomatie Française. On a pu constater qu’entre Macron et Trump il y a tout de même pas mal de points communs, dans la bravade comme mode de communication pour soigner son image personnelle mais aussi dans le peu de valeur donnée aux engagements pris. Lors du quinquennat d’Emmanuel Macron, on ne note aucun véritable succès diplomatique et pas mal de couacs : des gesticulations au Liban qui montrent surtout l’absence d’influence de la diplomatie française, l’enlisement au Mali, l’échec de la vente de sous-marins aux australiens, l’incroyable échec de la vente des turbines Arabelle aux américains par le ministre de l’économie Emmanuel Macron dans le cadre de la vente de la Branche énergie d’Alstom rachetées quelques années au prix très fort par EDF avec le commentaire incroyable de Macron sur cette affaire : « Ca n’est pas un échec, c’est juste que ça n’a pas marché ! » On a quand même le droit de rire d’une telle réponse ! Alors d’où vient cette légende de la stature internationale de Macron ? Les médias nous ont pourtant vendu notre président comme le sauveur de la paix et ceci jusqu’à la caricature comme l’a brillement montré Télérama. Avant sa rencontre du 07/02 avec Poutine, Emmanuel Macron voulait apparaitre comme un vrai interlocuteur au niveau international. A l’issue de cette rencontre, certains comme le New York Times ou le Guardian affirmaient que cette rencontre n’avait rien fait bouger, beaucoup de médias français loueront la stature internationale et les exceptionnelles capacités de négociation d’Emmanuel Macron. Il se trouve que 16 jours après cette rencontre qui était censée avoir réglé la question ukrainienne, la Russie envahissait l’Ukraine. Même si on ne veut pas accabler Macron sur ce dossier difficile, on ne peut qu’en conclure que sa médiation aura été un cuisant échec. Le paradoxe est que cet échec aura eu des conséquences positives pour lui au niveau des intentions de vote. En ce qui me concerne, en me basant sur du factuel, je dirais que dans ce contexte sulfureux, sa présence au sommet de l’état n’a rien de rassurant.

Un nouveau contexte politique dans le cadre d’une crise morale sans précédent

Jamais dans la cinquième République, il n’y avait eu autant de mis en examen dans l’entourage proche d’un président de la République. Jamais la règle édictée par Pierre Beregovoy, qui voulait qu’un ministre mis en examen démissionne n’avait été autant enjambée. D’un autre côté, vu le nombre, si elle avait été appliquée à la lettre, nous aurions eu des remaniements ministériels tous les 4 matins ! Je vous laisse juge avec des mises en causes assez diverses dans leur gravité et même si on peut tenir compte de la présomption d’innocence, c’est surtout le nombre qui interroge, ça concerne tout de même 14 personnes ! On a aussi vu un ancien ministre etre mis en cause pour agression sexuelle être spontanément défendu par Marlene Schiappa ministre…des droits de la femme…malaise. Il y aura aussi la rocambolesque affaire Benala qui impactait directement le président de la République. Les répressions policières des manifestations ont été également les plus violentes depuis plus de 60 ans, œils crevés, mains arrachées… Je ne taperais d’ailleurs pas sur la police, service public que l’on envoie au feu et qui ont eux aussi subi cette période. Le problème ce sont surtout les politiques au pouvoir, les donneurs d’ordre qui n’ont répondu aux revendications que par la violence. On peut aussi regretter l’écœurant défilé de ralliements au futur vainqueur ou on voit d’anciens adversaires se regrouper sous la même bannière, tout le monde venant manger dans la même gamelle…pas très covid tout ça ! Woerth, Sarkozy, Valls, Chevénement dans le même camp ! Pas étonnant devant tant de carriérisme et si peu d’honnêteté intellectuelle que les gens se détournent de la politique ! Le pire, ce sont tous ceux qui disent « je suis un homme de gauche qui vote Emmanuel Macron » comme le fait entre autres François Rebsamen. Je lui répondrais juste qu’on a le droit de voter à droite, mais que quand on vote à droite on est de droite. Bon vent à lui, il ne lui reste plus qu’à assumer. Il ne le fera pas parce qu’on sait jamais, il pourrait avoir un jour l’occasion de retourner à la soupe en votant à gauche. Ce genre de personnes disqualifient la politique et se retrouvent tous chez Macron. Ce genre de pratique amplifie le vote d’extrême droite. Le macronisme et l’extrême-droite s’entretiennent, débarrassons nous des 2 ! Si on échoue aux présidentielles, réessayons aux législatives !

Daniel Large

Confronté, par mon métier dans le service public de l'emploi, aux conséquences de la crise économique et sociale, j'ai décidé de m'investir et militer pour défendre les victimes des politiques libérales.
Electeur de gauche depuis toujours, militant d'une union des gauches n'ayant pas renoncé à une véritable politique sociale. Des concessions oui, mais pas de compromissions.

1 Comment

  1. Daniel, merci pour ce bel article. Je reconnais là ton sens de la formule et tes talents d’écrivain ! Hâte de lire le prochain article !

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