L’impôt est l’ami des classes populaires

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L’impôt-pularité

L’impopularité de l’impôt dans les classes populaires a toujours été un mystère pour moi. Certainement que l’image d’Epinal de la noblesse opulente venant prélever la dîme aux plus pauvres au moyen âge a certainement fixé dans l’esprit des gens le fait que l’impôt était injuste. Ce discours anti-impôts est d’ailleurs largement entretenu par la droite et l’extrême-droite dont le fond de commerce est d’ailleurs de protéger les intérêts de ceux qui en ont le moins besoin. J’avais écrit en 2017 qu’on ne savait toujours pas qui avait financé la campagne de Macron mais qu’on savait déjà qui il remboursait et effectivement, au nom du concept de ruissellement, il a largement réduit les impôts des plus riches dont la fortune a explosé ces dernières années. Mais la météo est capricieuse, et les nuages qui auraient dû faire ruisseler les richesses sur la population se sont plutôt fixées sur la Suisse, le Luxembourg ou les Iles Caïmans, évitant soigneusement La Courneuve, le Forez ou le nord des Landes.

Distinction entre taxes et impôts.

La part des taxes n’a cessé d’augmenter au détriment de l’impôt ces dernières années. Or si l’impôt est calculé en fonction des revenus ou du patrimoine, les taxes touchent de la même façon les riches et les pauvres. Ainsi le montant de la TVA ne dépend pas des revenus de l’acheteur, les taxes sur l’alcool ou le tabac touchent de manière identique chaque consommateur.

Prenons la TICPE (Taxe sur les produits pétroliers), qui avait constitué l’étincelle qui avait déclenché le mouvement des gilets jaunes en 2018. Non seulement, elle touche chaque utilisateur de la même façon, mais avec l’explosion des prix de l’immobilier notamment dans les zones urbaines ou touristiques, elle constitue une double peine pour les classes populaires obligées de s’éloigner des zones de travail pour trouver des tarifs de logement abordables et qui verront leur consommation de carburant exploser.

Les arguments de ceux qui ne raisonnent qu’en se projetant sur une réalité urbaine en disant qu’ils n’ont qu’à prendre le bus nient la réalité de beaucoup de zones rurales ou la voiture est le seul moyen de se rendre à son travail.

Ceux qui disent qu’ils pourraient acheter une voiture électrique pour réduire leur facture énergétique nient la réalité sociale actuelle : une grande partie de la population n’a pas les moyens de s’offrir un véhicule électrique, leur prix restant très élevé.

Lorsque les classes populaires se sont révoltées à travers le mouvement des gilets jaunes, l’extrême-droite a pris le train en marche en élargissant la grogne à un discours anti-impôts, ce qui n’est pas du tout la même chose.

J’en profiterai pour dire que l’extrême droite n’a jamais été l’allié des classes populaires et ne le sera jamais. D’ailleurs les milieux d’affaires en sont bien conscients, eux qui ont favorisé l’accession au pouvoir de Bolsonaro au Brésil, ou en France avec entre autres Vincent Bolloré qui crée un nouveau candidat d’extrème droite en le surexposant médiatiquement afin d’occuper tout l’espace politique et liquider la gauche. Eric Zemmour est d’ailleurs à ce jour le candidat qui a eu la plus grande exposition dans les médias sur les 6 derniers mois. Si on réduit la politique à un duel droite/extrême droite, c’est du gagnant-gagnant pour les ultra riches qui l’emportent quel que soit le résultat.

La baisse des impôts se fera sur le dos des classes populaires

L’impôt est le principal outil de redistribution des richesses dans une société, l’impôt finance la santé, la sécurité, l’éducation, la solidarité, les services publics.
L’impôt doit normalement prioritairement toucher les plus riches et être réduits ou même dispensés aux autres.
Toute baisse des impôts réduit les moyens pour la sécurité, l’éducation, la solidarité, la santé et donc pour résumer à un service public de qualité.
On dit souvent que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas et donc baisser les impôts c’est simplement valider un transfert de richesses des pauvres vers les riches.
Les classes populaires sont sensibles à la thématique de l’insécurité ? Il faut savoir qu’on ne pourra avancer sur cette question qu’en donnant des moyens réels à la police pour remplir sa mission de service public, notamment en terme de salaires, de formation et de conditions de travail. Actuellement les policiers sont en souffrance, et surtout en manque de reconnaissance, et ne pourront pas continuer longtemps à se contenter de discours ou autres odes au Karcher. Mais une fois que la police a fait son travail, il faut que la justice puisse faire le sien pour donner du sens au travail de maintien de l’ordre. Or le budget de la justice est lui-aussi raboté et les magistrats travaillent à la chaine dans des conditions déplorables. Pour financer la police et la justice, il ne faut surtout pas baisser les impôts.
La population dans cette période a été sensibilisée à la question de la santé publique, et on peut penser que nous aurions eu beaucoup moins de morts lors de cette pandémie si l’hôpital public n’avait pas été décapité ces 20 dernières années. Pourtant Emmanuel Macron a continué malgré la pandémie à supprimer des lits d’hôpital…tout en promettant de nouvelles baisses d’impôts ! Quel cynisme !
Emmanuel Macron veut continuer à baisser les impôts aux plus riches et faire payer la facture aux plus pauvres. Ca a commencé avec la réforme de l’assurance chômage qui fait qu’actuellement beaucoup de demandeurs d’emploi découvrent en voyant leur notification de droits qu’ils vont devoir, par manque de moyens, changer de logement et parfois même solliciter l’aide alimentaire. Il compte continuer bientôt avec la réforme des retraites alors que l’allongement de la durée de cotisation dans une période où le chômage reste très haut est un non-sens économique et ne fera que transférer un déficit de la caisse de retraite vers l’UNEDIC.
Il y a d’ailleurs une surenchère sur la question de l’impôt avec la proposition de nombreux candidats de relever le plafond d’exonération des droits de succession. Avec le plafond à 100 000 euros par enfant, il y a déjà 54% des français qui n’en payent pas. C’est donc un avantage qui ne concernera pas la majorité des français et notamment les plus pauvres. Or l’héritage est l’une des données qui fait que l’ascenseur social ne fonctionne plus, que les classes sociales ne font que se reproduire indéfiniment. Il faudrait effectivement comme le pense Thomas Piketty réformer profondément l’héritage pour éviter que tout soit déjà joué à la naissance. Il était d’ailleurs venu expliquer cela sur France inter en septembre 2019 ce qui indigna les deux porte plats des milieux d’affaire, Nicolas Domorand et Lea Salamé. Cette dernière montra d’ailleurs une belle capacité à s’indigner… quand il s’agit de défendre les intérêts des plus riches… En tout cas, c’est le mors aux dents qu’elle attaqua les propositions de Thomas Piketty avec une agressivité que l’on aimerait lui voir lorsqu’elle reçoit des économistes à la fois plus libéraux et moins talentueux. Dans cette émission surréaliste ou Nicolas Domorand défendra les pauvres milliardaires qui seraient devenus des boucs émissaires à éradiquer (je n’exagère même pas !), Thomas Piketty eut beaucoup de mérite à garder son sérieux, en ce qui me concerne, j’étais partagé entre l’envie d’en rire ou d’en pleurer…
Il faut absolument expliquer aux classes populaires que si l’annonce d’une baisse des taxes serait une bonne nouvelle, l’annonce de baisses d’impôt serait une très mauvaise nouvelle pour eux. Car l’argent supplémentaire que ça générerait pour les plus riches, c’est dans leur poche qu’on ira le chercher après, directement ou indirectement à travers la dégradation des services publics. Et pourtant le service public quand on lui donne des moyens, ça marche mieux que le privé, on le voit bien à travers la gestion des Ehpads 100 %publics dans les Landes, avec des tarifs bas pour une qualité et un taux d’encadrement supérieurs au privé dans lequel tous les abus sont possibles pour un prix prohibitif. La gestion du grand âge ne doit pas être un marché, nos ainés ne sont pas des marchandises !

L’impôt comme marqueur fort de la droite et de l’extrême droite

C’est pour cela que j’affirme que l’extrême droite n’est pas l’amie des classes populaires au même titre que la droite. Certains disent que l’extrême-droite sait parler aux classes populaires et ç’est agaçant car ça légitime un discours humainement inadmissible et politiquement creux. En effet, penser que le coût supposé de l’immigration pourrait régler les problèmes des français est une sinistre plaisanterie. L’immigration ne coûte pas grand chose, en tout cas beaucoup moins que certaines baisses d’impôt pour les plus fortunés. Et de toutes façons, je pense que si l’extrême droite veut prendre aux immigrés ca sera juste pour baisser les impôts des plus riches ! L’extrême-droite sait mentir aux classes populaires, leur inventer des adversaires, leur proposer des boucs émissaires, exploiter chaque fait divers impliquant des minorités visibles. Si je me risquais à être un zeste provocateur, je dirais que suite à l’affaire Dupont de Ligonnes, on pourrait s’interroger sur le lien entre origine et délinquance et se questionner sur la dégénérescence des vieilles familles françaises ! Ca serait très con, j’en conviens, mais pas beaucoup moins con que de lier la délinquance à l’immigration. La délinquance a toujours été le pendant de la pauvreté, commençons déjà par lutter contre la pauvreté. Quant aux questions religieuses, je suis partisan d’un respect absolu de la laicité : les questions religieuses ne doivent pas avoir leur place dans le débat public et doivent rester dans le domaine privé, et ceci quelle que soit la religion. Quand au terrorisme, je suis pour une grande sévérité face à toutes les formes de menaces et notamment les deux plus grandes menaces terroristes actuelles : L’islamisme bien sûr, mais aussi l’ultra-droite. L’extrême-droite prospère sur la lâcheté des hommes politiques de droite et de gauche qui ont renoncé à combattre le racisme et surfent sur les thématiques de l’immigration et les théories fumeuses et ridicules comme le grand remplacement. L’exemple tragi-comique de la pauvre Valérie Pecresse vociférant sur des thématiques qu’elle ne maitrise pas est symptomatique d’une époque ou l’opportunisme justifie toutes les bassesses. Il n’est d’ailleurs pas certain que cette stratégie, dans un contexte particulier ou deux candidats d’extrême droite occupent déjà le terrain, lui porte bonheur.


Daniel Large

Confronté, par mon métier dans le service public de l'emploi, aux conséquences de la crise économique et sociale, j'ai décidé de m'investir et militer pour défendre les victimes des politiques libérales.
Electeur de gauche depuis toujours, militant d'une union des gauches n'ayant pas renoncé à une véritable politique sociale. Des concessions oui, mais pas de compromissions.

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