La stratégie du choc

Texte publié en juillet 2021 sur le site national de la Gauche Républicaine et Socialiste

6 mins de lecture
copyright Nathan Rupert https://flickr.com/photos/nathaninsandiego/


En regardant Emmanuel Macron ce lundi 12 juillet 2021, j’ai fortement pensé au remarquable ouvrage de l’intellectuelle canadienne Naomi Klein. Elle montrait dans ce livre non pas que les catastrophes naissaient de complots mais plutôt la manière dont le pouvoir exploitait chacune d’elles. Comment le tsunami de 2004 avait été exploité au Sri Lanka pour procéder à des juteuses opérations immobilières au détriment des pécheurs locaux ou comment Milton Friedman, l’un des maitres à penser des libéraux avait vu l’ouragan Katrina comme une opportunité pour réformer le système d’éducation en Nouvelle Orléans en privatisant les écoles publiques à reconstruire, chose qui n’aurait jamais été acceptée par la population en temps normal. On pourrait rajouter la manière dont la guerre des Malouines avait porté Margareth Thatcher vers sa réélection alors que juste avant sa politique était massivement condamnée par la population britannique.
On a souvent comparé la brutalité de la politique d’Emmanuel Macron à celle de Margareth Thatcher et il est maintenant à souhaiter que la guerre contre le COVID ne soit pas pour Macron ce que les Malouines ont été pour la dame de fer. En tout cas, dans son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a fait un mélange des genres qui a montré sa volonté d’utiliser les mesures d’urgence contre le covid et la menace d’une quatrième vague pour vendre 2 mesures scélérates et purement idéologiques : la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage. La ficelle est un peu grosse mais ne surprendrait certainement pas Naomi Klein qui a démontré que la méthode avait déjà fait ses preuves ailleurs.
Annoncer la mise en place de l’assurance chômage le 01 octobre est un véritable scandale démocratique. En effet, le conseil d’état doit se prononcer sur cette réforme en novembre et la mettre en place avant cet avis est un moyen de mettre une énorme pression sur cette instance. Il faudra beaucoup de courage au Conseil d’état pour retoquer cette réforme d’amateurs, unanimement condamnée par tous les partenaires sociaux autant par les syndicats de salariés que par le MEDEF. Mais les travailleurs sans emploi sont une cible facile, peu organisés collectivement, ils sombreront dans la misère en silence et c’est tout ce qui intéresse ce gouvernement. Emmanuel Macron a justifié sa désastreuse réforme par cet argument : « Actuellement il faudrait qu’on gagne mieux sa vie en travaillant qu’en restant au chômage ». C’est un bel hommage à la réforme actuelle avec laquelle on ne pouvait pas perdre d’argent en allant travailler. Il a trouvé une autre méthode consistant à plonger les travailleurs sans emploi dans la misère pour qu’ils puissent accepter n’importe quoi. Dans une période où près de 6 millions de personnes sont inscrites à Pôle-Emploi toutes catégories confondues, cette nouvelle assurance chômage plutôt adaptée a une société de plein emploi va plonger des centaines de milliers de personnes sous le seuil de pauvreté.
Le recul de l’âge légal de la retraite est un non-sens dans une société plombée par le chômage de masse. Même Emmanuel Macron en convenait il y a peu. Mais la période est propice pour oser les pires projets. Les économies réalisées par cette réforme seront reportées et sur l’assurance santé, qui sera plombée par le vieillissement de la population active, et sur l’assurance chômage. Mais on l’a vu les travailleurs sans emploi sont des coupables parfaits pour ce pouvoir et il sera toujours possible de les faire repasser à la caisse plus tard…
Naomi Klein concluait par cette phrase : Voilà en quoi consiste la stratégie du choc : des raids systématiques contre la sphère publique au lendemain de catastrophes, quand les gens sont trop focalisés sur l’urgence, sur leur survie pour protéger leurs intérêts. La manière dont Emmanuel Macron a lié lors d’une même allocution mesures d’urgence et attaques ciblées contre des acquis sociaux en est la triste illustration.
Alors à l’automne, mobilisons-nous pour nos retraites mais aussi pour les travailleurs sans emploi. Tous les syndicats doivent se mobiliser, une union de tous les travailleurs, avec ou sans emploi doit être massive pour défendre nos acquis face à ces fossoyeurs du modèle social français.

Daniel Large

Confronté, par mon métier dans le service public de l'emploi, aux conséquences de la crise économique et sociale, j'ai décidé de m'investir et militer pour défendre les victimes des politiques libérales.
Electeur de gauche depuis toujours, militant d'une union des gauches n'ayant pas renoncé à une véritable politique sociale. Des concessions oui, mais pas de compromissions.

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