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MACRON REELU : UN MALENTENDU ?

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Dans sa pièce « le malentendu » Albert CAMUS montre comment le non-dit et l’incompréhension peuvent parfois avoir une issue dramatique. Le parallèle est facile à faire avec notre élection présidentielle car plus les jours passent et plus on se rapproche d’une triomphale réélection d’Emmanuel MACRON, et ceci malgré un quinquennat raté, comme je le démontrais lors d’un précédent billet. Ainsi, pour m’appuyer sur une référence plus légère, je dirais que tel Jean Claude Dusse dans les Bronzés, Emmanuel Macron malgré un bilan ingrat semble sur le point de « conclure »… sur un malentendu qui pourrait bien s’avérer tragique, vu les mesures annoncées dans son programme ultra-libéral. Il y a des raisons exogènes à ce « miracle » qui pourrait s’avérer être un désastre pour des millions de français et notamment les plus pauvres. Au fond il s’avère qu’un triste concours de circonstances a transformé un président détesté et rejeté lors des 2 premières années en recours suprême malgré un enchainement d’échecs magnifiés par des médias qui ont montré leur vrai visage ces dernières années. Incroyable retournement de situation qui a vu un rejet massif du président dans la période ou il a déroulé son programme ultra-libéral, démantèlement du code du travail, casse des services publics, gel des salaires et des minimas sociaux, baisse des impôts pour les plus riches, relèvement des taxes les plus injustes et notamment de la TICPE qui aura pour conséquence de voir les français subir une forte augmentation des prix des carburants. Pourtant 3 ans plus tard malgré un constat d’échec cinglant et un programme annoncé encore plus agressif et libéral, Emmanuel Macron est en passe d’être réélu. Il y a donc un devoir de mémoire à avoir par rapport au déroulement de ce quinquennat pour éviter une catastrophe : la réélection du pire président de la cinquième République.

Gilets Jaunes : une révolte populaire inclassable

En 2018, la popularité du président tombera à un niveau hollandesque 23,5% de satisfaits en moyenne des instituts sondeurs. Les révoltes populaires seront réprimées avec une violence inédite depuis près de 60 ans. Le point d’orgue de cette suite de manifestations sera le mouvement des gilets jaunes. La hausse de la taxe sur les carburants (TICPE) sera la goutte de trop qui donnera naissance à cette révolte spontanée des français en novembre 2018. Certains avaient argumenté sur la malchance du gouvernement qui aurait dû faire face à une forte hausse du baril cette année-là. Or il se trouve qu’entre janvier 2018 et le 13 novembre 2018, début du mouvement des gilets jaunes, le baril de brut avait baissé de 5%. J’aime bien le surnom de Robin des Villes pour Emmanuel Macron, qui prend aux pauvres pour donner aux riches, mais c’est exactement ce qu’il a fait car avec la suppression de l’impôt sur la fortune, la réforme de la flat tax il a donné aux riches et pour compenser il a sollicité tout le monde et notamment les plus pauvres en augmentant la taxe sur les produits pétroliers.
Mais il n’y aura pas que la violence physique, il y aura aussi la violence médiatique de chaines d’infos aux ordres, présentant les gilets jaunes majoritairement pacifiques porteurs de revendications sociales, comme des militants extrémistes violents. Les journalistes sympathisants des manifestants seront affublés du sobriquet de « journalistes militants ». Pendant ce temps, on faisait défiler sur les plateaux télé des militants du macronisme en les faisant passer pour des consultants neutres. Certes la ficelle n’était pas nouvelle, on la voit depuis toujours pour discréditer chaque mouvement social : avec des gros titres quasi exclusivement consacrés aux casseurs, la plupart du temps peu inquiétés, ces derniers étant souvent les idiots utiles justifiant la violence d’état envers les manifestants. Il faut dire que le mouvement des gilets jaunes, totalement spontané, déconnecté de toute organisation politique ou syndicale avait des revendications qui partaient dans tous les sens et des composantes allant de la gauche à l’extrême droite. Ce fut à court terme un avantage car il était difficile de mobiliser des opposants à un mouvement par lequel beaucoup se sentaient représentés et cette révolte fut difficile à rendre impopulaire. Mais cette caractéristique allait à terme s’avérer être un inconvénient lorsqu’il a été question de s’organiser pour porter des revendications. L’hétérogénéité de ce mouvement allait créer des fissures avec l’apparition de leaders aux convictions divergentes avec des revendications souvent très contradictoires. Les chaines d’infos avaient enfin un angle pour caricaturer ce mouvement, appuyant sur la thématique du désordre pour faire fuir les citoyens des différentes droites et sur la thématique de l’extrême-droite pour faire fuir les électeurs de gauche. Cette révolte populaire qui allait se prolonger sur plusieurs mois et qui restera un grand mouvement social fut peu à peu dénigrée, raillée, caricaturée au point qu’aujourd’hui peu de monde ose s’en réclamer ou même la défendre. Les émissions guet-apens tendus à des leaders gilets jaunes peu habitués aux médias se retrouvant isolés face à une armée de chiens de garde hostiles, parfaitement rompus à l’exercice, avec souvent le concours d’animateurs complaisants allaient finir de discréditer voire ridiculiser cette grande protestation sociale. Depuis tout le monde semble avoir oublié qu’il y avait des raisons objectives à l’apparition des gilets jaunes et que cela était porteur de beaucoup de revendications sociales qui restent d’actualité. Il en résultera une légitime défiance envers certains médias ayant oublié à cette occasion toute déontologie tant leur partialité est apparue évidente lors de ces événements. Pour conclure ce chapitre, je dirais que cette campagne de discréditation du mouvement des gilets jaunes, plus la promotion effrénée du grand débat voulu par Macron, simple écran de fumée, car débat expurgé de la plupart des revendications sociales, finira par freiner la chute de la popularité du président qui restera tout de même à un niveau assez bas.

Des médias au soutien de Macron…quoi qu’il en coute à leur déontologie.

Cette constatation ne manquera pas de faire s’interroger sur les effets de la concentration des médias dans la main de quelques personnalités fortunées (journaux, édition, audiovisuel), concentration qui semble s’aggraver avec le rachat du groupe Hachette par Vincent Bolloré. Au nom des valeurs de notre République et de l’équité dans notre démocratie, va t’on enfin légiférer sur cette question ? Ca serait souhaitable mais avec Macron, ça n’arrivera pas… Au contraire sa remise en cause de la redevance télé pourrait bien préfigurer de la disparition totale d’un service public de l’audiovisuel au profit des oligarques qui se partagent déjà le gâteau… même si pour l’instant il s’en défend. Mais il avait aussi promis qu’il ne toucherait pas à l’âge de départ à la retraite, on connait donc la valeur de sa parole.
La manière dont les chaines d’information se sont déshonorées dans cette période sont surement à l’origine de la montée de tous les complotismes. Beaucoup de français ayant, à juste titre, perdu toute confiance envers les médias traditionnels chercheront des informations sur les réseaux sociaux, parfois sans le discernement consistant à vérifier et recouper les informations. Les journalistes responsables de ce complotisme sont maintenant les premiers à s’en désoler tout en continuant à entretenir le désordre en employant ce terme à tort et à travers, envers tous ceux qui osent se détourner du discours officiel. Ce qui m’avait fait écrire il y a quelques mois qu’il existe 2 sortes de cons : ceux qui par ignorance ou par intérêt voient des complots partout, et ceux qui par ignorance ou par intérêt voient des complots nulle part. Ceux la auraient surement accusé de complotisme ceux qui affirmaient le 11 septembre 1973 que le président socialiste élu du Chili, Salvador Allende avait été renversé et assassiné sous l’impulsion de multinationales américaines et de la CIA. C’est pourtant devenu une vérité historique aujourd’hui. J’encouragerai donc à ne jamais avoir trop de certitudes, dans un sens ou dans l’autre.

La guerre contre le Covid, les Malouines de Macron.

Quand Margaret Thatcher accède au pouvoir en 1979 au Royaume Uni, sa courbe de popularité est au plus bas en début de mandat puis la guerre des Malouines arrive et sa cote de popularité s’envole. Quand Macron avait démarré sa première conférence de presse au début de la pandémie par la formule  » Nous sommes en guerre  » j’avais tout de suite pensé à cette référence et dit que j’espérais que le covid ne serait pas pour Macron ce qu’avait été la guerre des Malouines pour Thatcher. J’aurais aimé avoir tort mais le vrai tournant du quinquennat Macron se situera bien en 2020 avec l’arrivée du covid. En effet cette pandémie qui aura des conséquences sanitaires dramatiques, aura aussi un impact politique majeur en polluant totalement le débat démocratique qui ne se limitera plus qu’à des thématiques tournant autour du covid. Même lorsque le débat reviendra sur des questions de pauvreté (jeunes, retraités isolés, sans abris)) ça sera toujours sous l’angle de la pandémie, comme si elle était la seule responsable de la dégradation des conditions de vie, pourtant impulsée depuis 20 ans et accélérée pendant ce quinquennat. Même le scandale consistant à continuer de baisser les moyens de l’hôpital public en pleine épidémie sera occulté par des débats sur le masque ou le vaccin. Pendant ce temps et ceci malgré une gestion approximative de la crise sanitaire, Emmanuel Macron prendra 10 points de popularité auprès d’un public sidéré par le covid.

Macron profite de la confusion

L’éparpillement d’une gauche divisée, mais aussi l’affaiblissement du RN et de LR avec la très opportune candidature d’Eric Zemmour, portée par les médias avec une ferveur rappelant celle qui avait accompagné la montée de Macron en 2017, fait que celui-ci ne semble plus avoir aucun candidat en situation de le battre.
Cerise sur le gâteau, la « prime drapeau » suite au déclenchement de la guerre en Ukraine qui l’a vu prendre 5 ou 6 points dans les sondages. Même si la guerre menaçait depuis des années dans cette région, je ferais juste remarquer qu’elle s’est déclenchée au moment où notre président a voulu y jouer un rôle, confirmant ainsi son incompétence notoire sur le plan diplomatique. Il aurait voulu être le héros de la paix, il restera dans l’histoire le chef d’état dont Poutine s’est joué avant de mener son offensive en Ukraine. Pourtant, très peu de médias ont émis des doutes sur sa compétence ou sur la qualité de cette médiation vu son résultat catastrophique. Ça aurait au moins mérité que la question soit posée… BFMTV et Cnews feront exactement l’inverse jusqu’au ridicule. De son coté, Emmanuel Macron continue à pérorer sur le fait qu’il a Poutine tous les jours au téléphone…qui pendant ce temps continue tranquillement son avancée en Ukraine en durcissant son discours chaque jour. Si malheureusement la guerre tue, heureusement pour Emmanuel Macron le ridicule ne tue pas. Zelensky est un ancien humoriste devenu président, notre président semble armé pour la trajectoire inverse.
Et pourtant il semble écrit qu’il va être réélu, malgré un quinquennat qui a mis en danger certaines valeurs de la république avec une crise morale sans précèdent : Violence d’état, médias complaisants, nombre record de mises en cause judiciaires proches du pouvoir, corruption au plus haut niveau de l’état avec l’affaire des consultants privés révélée par la commission d’enquête du sénat, crise politique de valeurs qui voit les adversaires d’hier aller à la même soupe macroniste avec pour conséquence à cette perte de sens, une montée de l’extrême-droite avec des thèses racistes fantaisistes assumées comme le grand remplacement. On a même vu lors de l’émission Face à la guerre sur TF1 les journalistes(militants) Anne-Claire Coudray et Gilles Bouleau offusqués par la retraite à 60 ans mais laissant Eric Zemmour dérouler tranquillement la thèse xénophobe et complotiste du grand remplacement sans lui amener la moindre contradiction. Le Macronisme et l’extrême droite semblent être d’ailleurs 2 phénomènes qui s’auto-entretiennent. Je rentrerai dans le détail de cette crise morale lors d’un prochain billet.

Daniel Large

Confronté, par mon métier dans le service public de l'emploi, aux conséquences de la crise économique et sociale, j'ai décidé de m'investir et militer pour défendre les victimes des politiques libérales.
Electeur de gauche depuis toujours, militant d'une union des gauches n'ayant pas renoncé à une véritable politique sociale. Des concessions oui, mais pas de compromissions.

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